mercredi 21 mars 2012

Près de 2 millions de Français boivent une eau non conforme

Le 20 mars 2012 par Stéphanie Senet

UFC Que-Choisir a passé 6 polluants à la loupe

Dans un rapport rendu public ce 20 mars, l’association de consommateurs UFC-Que choisir conclut que l’eau du robinet est bonne pour 97,5% des Français. 1,7 million d’usagers boivent donc une eau non conforme. Mais elle pointe aussi de fortes pollutions aux pesticides et aux nitrates dues aux pratiques agricoles.
Signe de l’évolution des préoccupations de la population, UFC–Que choisir ne s’intéresse plus au seul prix de l’eau mais aussi à sa qualité. «Aujourd’hui, les enjeux de l’eau sont à la fois sanitaires, budgétaires et environnementaux», lance Alain Bazot, qui préside l’association.

L’enquête a été réalisée à partir des résultats d’analyse publiés par la Direction générale de la santé (DGS), sur une période de deux ans et concernant les 36.568 communes françaises. Pour les auteurs de l’étude, il y a pollution lorsqu’il y a un dépassement de la norme de 25% dans au moins 3 prélèvements sur 10.
Au passage, l’association déplore une «fausse transparence des données». «Si les résultats d’analyse sont effectivement publics, ils sont incompréhensibles pour le quidam», note Alain Bizot. L’association s’est donc donné pour mission d’établir quelques conclusions à partir de ces statistiques.

Sur les 50 critères d’analyse de la DGS, l’ONG retient les 6 les plus préoccupants: la qualité bactériologique, l’aluminium, la radioactivité, les pesticides, les nitrates et le sélénium (un élément de la croûte terrestre que l’on retrouve dans les nappes phréatiques).
Selon ces critères, l’eau du robinet est bonne pour 97,5% des Français.

Deuxième constat: plus de deux tiers des pollutions identifiées (pesticides en tête, puis nitrates et sélénium) sont issues de l’activité agricole. Des pollutions présentent dans 1.400 communes, abritant 1,7 million de consommateurs.

Dans le détail, c’est l’atrazine, un herbicide généralement utilisé sur le maïs et interdit depuis 2003, qui représente 89% des pollutions aux pesticides retenues par UFC–Que choisir.
Géographiquement, les pollutions aux pesticides sont les plus importantes dans le bassin parisien, le Nord, la Vallée du Rhône et le Sud-Ouest, ce qui correspond aux régions où l’agriculture est pratiquée de façon intensive.
Les zones les plus touchées par une pollution aux nitrates sont le bassin parisien, le Nord, et la Champagne-Ardenne, des régions fortement agricoles.
Surprise, si la Bretagne affiche un apport moyen en azote élevé, la qualité de l’eau du robinet ne s’en trouve pas affectée selon l’étude. «Ce paradoxe breton est dû aux mesures illusionnistes pratiquées dans la région pour respecter les seuils sans régler le problème de la pollution à la source», estime Sylvie Pradelle, administratrice nationale de l’UFC-Que choisir: dénitrations coûteuses, abandon des captages, dilution des eaux polluées par interconnexion des réseaux.
Quant au sélénium, l’association note que les pollutions sont rencontrées le long d’un axe Nord-Est/Sud-Ouest correspondant à une forte utilisation des nappes phréatiques profondes, majoritairement pour l’irrigation. Elle précise aussi que les effets de cet élément étant encore peu connus, elle a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour avis.

A côté des pollutions aux pesticides et aux nitrates, 32% des pollutions sont dues à des défauts de traitement de l’eau: le dosage en chlore s’avère insuffisant, les teneurs en aluminium sont dépassées… Ces pollutions sont surtout enregistrées dans les petites communes (350 habitants en moyenne), «où les installations de traitement sont de faible capacité ou mal réglées, et insuffisamment contrôlées», note Sylvie Pradelle. En cause: une organisation morcelée des réseaux.

Au final, «le problème est structurel», conclut Olivier Andrault, chef de mission à UFC–Que choisir, qui ajoute que ce constat a déjà été établi en 2006, mais que la situation n’a pas changé.

«Le principe du pollueur-payeur n’est pas appliqué. C’est plutôt le principe de l’usager domestique urbain-payeur de la dépollution agricole, pour reprendre l’expression du Conseil d’Etat», affirme Olivier Andrault. En payant leurs factures, les consommateurs contribuent en effet au budget des agences de l’eau à hauteur de 90%. Et la dépollution est coûteuse: entre 640 et 1.140 millions d’euros selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), soit entre 6,6% et 11,8% du montant de la facture des ménages.

La solution se trouve entre les mains des politiques. «La révision de la politique agricole commune en 2013 est l’occasion de tourner le dos à une agriculture intensive. Il faut aussi une véritable application du principe de pollueur-payeur et une réelle protection des captages», conclut Alain Bazot.

Pour consulter les résultats de sa commune sur le site de l’association:


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